Chapitre 11
suite
L’aile rangée dans le sac, Sarah récupère les vêtements de Seung-Chul et repart à l’intérieur. Sa démarche est cette fois plus lente.
"On a besoin de draps secs cette nuit. Ne pas tomber dans l’eau. Et puis il mérite bien d’attendre un peu ! Je le hais." Tout en avançant, elle continue de marmonner. " On peut pas le laisser une journée seule, ce gamin ! Faudrait que je sois là pour lui en permanence ! C’est n’importe quoi... "
Au fond de l’entrée, l’éboulis qui constitue le sol descend sur quinze mètres, en pente assez raide au départ, pour s’adoucir les dix derniers mètres. Au fur et à mesure de sa progression, les deux plaques de roches entre lesquelles Sarah passe se resserrent de part et d’autre de l’éboulis dû à l’effondrement du plafond. À l’entrée de la deuxième salle, les plaques, plus serrées en haut qu’à la base, font une sorte d’étranglement sur plusieurs mètres. À la sortie du passage étroit, Sarah remarque que le sol se dérobe juste à cet endroit, laissant place à une dalle environs un mètre et demi plus bas.
"On en a jusqu’aux aisselles seulement ? Demande-t-elle, circonspecte à Seug-Chul qui lui semble près maintenant.
-À peu près oui...
-J’ai pas le choix... Je te fais confiance...
Prenant mille précautions pour ne pas le mouiller, elle charge le sac sur sa tête, au-dessus de la lampe et de la caméra, telle les femmes de son village natal. Elle avance d’un pas et se retrouve, paniquée avec de l’eau jusqu’au cou.
-Mais pourquoi je te fais confiance ! T’es qu’un poivrot c’est tout ! S’écrie-t-elle en hoquetant.
-Excuse-moi, Péha. Je n’ai pas pris en compte notre différence de taille ! "
"Passer à marée haute, c’est pas possible ! Faudra repartir avant... Ou après. " Marmonne-t-elle.
Au bout de quelques mètres de marche précautionneuse, Sarah remarque la lumière éclairant le passage de l’autre côté. L’étroit bassin d’eau dans lequel elle évolue prend des couleurs de lagon des mers du sud au crépuscule. Les cris des oiseaux qu’elle avait laissés derrière elle se font entendre de nouveau devant. Encore quelques pas et Sarah débouche sur un bassin gigantesque, éclairé par quelques rayons de soleil, l'eau, bien que dans l'ombre a des reflets turquoise. Les parois à gauche de la jeune femme sont des plaques sédimentaires quasi verticales, dont certaines, érodées par le travail des eaux, laissent passer la mer et la lumière à travers de larges fentes pareilles à de hautes meurtrières. Mais impossible de sortir à l’air libre par là.
Sarah s’arrête et promène son regard autour d’elle. Elle a le souffle coupé par tant de beauté. À une dizaine de mètres, elle remarque la large plate-forme sur laquelle Seung-Chul l’attend, assis, bras serrés sur ses jambes repliées. Il se lève difficilement, engourdi par le froid.
Fondu au noir.
Flash-Back: Retour à la baie des trépassés la veille.
Seung-Chul se dirige vers l’arrière du camion et tente d’ouvrir les portes. Il a maintenant de l’eau jusqu’à la taille. Sous la poussée de l’eau, les portes ne s’ouvrent pas. Les cris redoublent à l’intérieur.
Eh ! Qu’est-ce que tu dis ? Me presse pas comme ça ! J’arrive ! "
Il contourne le fourgon pour ouvrir la porte latérale. Il chute plusieurs fois, buvant la tasse, et a du mal à se redresser. Enfin, la porte s’ouvre, laissant s’engouffrer des trombes d’eau à l’intérieur. Une forme longue couchée sur le sol tressaute dans l’eau qui afflue. Seung-Chul est déséquilibré et entrainé dans le camion. Il boit la tasse, se débat pour garder la tête hors de l’eau, pour se redresser, mais aussi pour échapper à ce grand et gros corps qui se contorsionne, prisonnier d'un filet encore fixé à un crochet dans le plafond. Évitant le... la chose qui se débat, Seung-Chul se relève, secoue la tête pour sortir de son ivresse.
"C’est quoi cette histoire ? C’est... Flipper Flipper mon gros! Qu’est-ce que tu fais là? S’exclame le jeune homme en titubant, décrochant la corde tout en se tenant au plafond. Pour toute réponse, un sifflement aigu, pareil à un cri d’enfant, aussi puissant qu’une sirène, sort de ce corps gesticulant.
-Oh ça va hein !
Ma tête!
Suis pas sourd ! Laisse-moi deux secondes... L’eau dans le camion est maintenant calme, mais le camion tangue. Seung-Chul a du mal à garder l’équilibre en fouillant dans la poche de sa veste.
Bon laisse-moi deux MINUTES en fait.
Il n’arrive pas à déziper la poche de sa veste. Alors, d’un geste rageur, en poussant un râle puissant, il s’en défait et récupère l’objet dans sa poche. Il laisse tomber la veste dans l’eau, ouvre un couteau suisse et commence à découper les mailles du filet.
Mais arrête de bouger ! Je suis en train de te libérer là ! Tu devras remercier ma femme pour son cadeau !
Mais je suis complètement rond ! Alors bouge pas ! Je vais finir par te ...
Eh merle ! Voilà ! J’ai coupé ton nez! Non... ton rostre ! Calme-toi ! Bon sang ! Encore une balafre ! Reste tranquille ! Tu vas finir par ressembler à Sarah. (les jurons sont en français. Le reste en coréen)
Le dauphin semble avoir compris l’intention du jeune homme et s’immobilise. Quand Seung-Chul a fini de couper la partie avant du filet, l’animal n’attend plus et sort précipitamment du van, entrainant avec lui les restes du filet qui enveloppent encore sa queue. Dans un cri de frustration et de peur, Seung-Chul saisit l’arrière du filet et se retrouve entrainé sur une dizaine de mètres en crachant, s’étouffant et vociférant.
"C’était pas ... une bo...nne idée de vouloir ren...trer chez moi par la ...mer ! "
Le dauphin ralentit. A-t-il pitié de l’homme ou simplement est-il gêné par le filet ? Toujours est-il que Seung-Chul, dégrisé, parvient à remonter le filet et s’arrimer à la nageoire dorsale de l’animal.
" S’il te plait, ramène-moi chez moi.. ". Demande le jeune homme entre deux tasses. Il semble que le cétacé accepte puisqu’il nage en surface, et s’arrête quand l’homme lâche prise. Il revient en arrière et pousse Seung-Chul à s’agripper de nouveau. Et à chaque fois qu’il flanche, Le jeune homme répète :
"C’était pas une bonne idée, non c’était pas une bonne idée!" alternant coréen, français et même anglais. Le dauphin le conduit jusqu’à une grotte marine.
C’est marée haute. Pour franchir le passage de la grotte, le dauphin plonge. Quand il ressort, Seung-Chul, qui n’a pas lâché prise, reprend une grande inspiration. Il tousse, halète, il a eu l’impression de se noyer. Les clapotis de l’eau, un ou deux cris d’oiseaux se font entendre et résonnent dans cet endroit. Il fait noir. Seung-Chul est pris de panique et se débat pour ne pas se laisser engloutir par toute cette obscurité. Le dauphin le pousse par en-dessus, le soulevant légèrement à chaque contact. Le jeune homme se retrouve finalement dans un endroit légèrement éclairé par les reflets de la pleine lune, arrivant de sa droite. Il constate qu’il peut enfin marcher vers une plate-forme surélevée.
"Thanks, Brother ! Arrive-t-il à articuler et se hissant hors de l’eau. Il se couche sur le dos, tourne la tête pour regarder son sauveur à la faible lueur des ouvertures. Thanks, Brother ! "
Après avoir repris son souffle en regardant fixement le plafond, il se tourne de nouveau vers le dauphin, qui nage en grands cercles dans le bassin.
"Dis, Brother, tu voudrais pas aller chercher Sarah ? "
Un grand sifflement se fait entendre en guise de réponse, répercuté par l’écho, et réveillant une cacophonie de cris d’oiseaux.
Fondu au noir.
Retour dans la grotte plus tard.
C’est le froid qui m’a réveillé. J’étais allongé sur une dalle rocheuse, sèche et froide. Très froide. Les yeux ouverts sur un décor irréel, j’avais la nausée. Une faible clarté faisait scintiller par endroits une étendue d’eau qui se perdait dans l’obscurité. Le son des vaguelettes contre la roche, et leur écho qui se répercutait comme dans une cathédrale indiquait à mon esprit très embrumé que je devais être dans une grotte. Un haut le cœur m’a saisi lorsque j’ai tenté de me lever. J’ai dû me rallonger pour éviter le vomissement imminent. Je me suis recroquevillé très inconfortablement pour garder le peu de chaleur que mon corps pouvait fournir... Et l’ivresse encore aidant, je me suis rendormi.
Fondu au noir.
À mon second réveil, je distinguais mieux les limites de ma grotte. J’ai compris que je me trouvais dans une grotte marine. Derrière le clapotis des vagues, je percevais de temps en temps un son curieux, entre éternuement de chat et renâclement de cheval... Un îlot oblong argenté flottait au milieu de l’eau, laissant échapper de temps en temps un jet d’air et de gouttes d’eau. Je me souviens avoir pensé que sans cette sensation de froid glaçant, je me serais cru au paradis. J’ai refermé les yeux quand un haut le cœur s’est annoncé... Et je me suis rendormi.
Fondu au noir.
À mon troisième réveil, le soleil devait être levé. Je contemplais enfin mon abri de fortune. L’eau prenait des couleurs turquoise qui m’enchantaient. Les oiseaux commençaient à piailler, dans un concert de cathédrale, et Brother nageait rapidement, en grands cercles, ponctuant leur chant du souffle de son évent. Je me suis redressé avec précautions, les muscles engourdis, endoloris par le froid. Mes vêtements étaient encore humides. Doucement, lentement, pour éviter les nausées, et parce qu’à chaque pas, un coup de marteau ébranlait ma boîte crânienne, j’ai fait le tour de la plate-forme à la recherche d’un passage vers l’extérieur. J’ai même tenté de nager et de trouver un passage sous l’eau dans les failles qui laissaient passer la lumière. J’avais des nausées, l’impression que ma tête allait exploser, et Brother tournait maintenant autour de moi en produisant des modulations stridentes de sifflement, comme pour me gronder. C’était extrêmement déplaisant.
"Au lieu de hurler comme un sauvage, tu pourrais m’indiquer la sortie des fois ? "
Comme s’il m’avait compris, Brother m’a d’abord poussé, puis, voyant que j’obéissais, il m’a devancé jusqu’à l’autre bout de l’étendue d’eau, à une vingtaine de mètres en face de ma plate-forme. Il m’a conduit jusqu’à une fente triangulaire qui formait un couloir. Au fond, de la lumière se reflétait sur l’eau. Merci Brother. J’ai suivi l’ouverture jusqu’au grand porche de la grotte. Une salle ouverte d’environs cinq mètres de hauteur. Je suis arrivé sur une dalle encore couverte d’eau. Là, j’ai exploré pendant ce qui m’a semblé des heures pour trouver un passage vers le haut. Je pensais être bon grimpeur, mais là, entre les nausées, le mal de tête, la fatigue et le froid, je n’ai pas osé m’aventurer très haut. Surtout que les rochers et les vagues en contrebas me semblaient bien agressifs.
Quand je me suis arrêté, l’eau avait fini de refluer et était en train de remonter. Je pataugeais de nouveau sur la plate-forme. Je ne pouvais pas rester là. Aucun endroit où m’abriter de la marée et du soleil pendant la journée. Alors, j’ai ôté mon pantalon et m’en suis fait une sorte de drapeau. Je savais qu’on me cherchait. Et je savais que Sarah me trouverait. J’ai donc pensé qu’elle pourrait avoir besoin d’une manche à air. Avisant un tas de bois flotté dans une marmite, j’en ai fabriqué une avec les moyens du bord. Puis j’ai utilisé des algues pour tracer un message à ma femme, lui indiquant l’entrée de la grotte. L’eau m’arrivait déjà aux genoux quand j’ai quitté la plate-forme extérieure pour regagner mon antre.
L’eau avait bien monté et j’ai dû regagner ma plate-forme à la nage. Brother avait disparu. On prend trop vite l’habitude des choses extraordinaires : la présence du dauphin me manquait. Mais maintenant que je commençais à penser clairement, je mesurais la chance inouïe que j’avais eu de croiser la route de Brother. Ou peut-être l’inverse finalement : sans mon idée avinée de rentrer en Corée en bateau, Brother serait maintenant dans on ne sait quel bassin d’un millionnaire égocentrique... En tout cas, j’avais été sauvé par un dauphin ! Fantastique ! En attendant que ma femme vienne me chercher (car je n’en doutais pas une seconde... L'effet persistant de l’alcool peut-être...), je me suis assis contre la paroi du fond, les bras autour des genoux, la tête entre les jambes. Mes haut-le-cœur revenaient.
Combien de temps s’était écoulé entre veille nauséeuse et somnolence, je ne saurais dire. Quand j’ai entendu la voix de Sarah, j’étais transi de froid, j’avais encore mal à la tête, la mer était déjà descendu et Brother était de nouveau là. Je la soupçonne encore, des décennies plus tard, d’avoir pris un malin plaisir à me laisser attendre dans la pénombre. Lais elle était là et j'étais soulagé. Entre le clapotis des vagues, les cris des oiseaux, le souffle de Brother, l’écho de cathédrale et la lueur de sa lampe frontale au loin dans le tunnel, je ressentais une joie intense. C’était bien plus profond que le simple soulagement d’être sauvé. Un des instants magiques que j’ai partagé avec Sarah tout au long de notre vie commune. Et puis je l’ai vue apparaître, ou plutôt, j’ai vu sa lampe descendre brusquement de trente centimètres. Elle avait de l’eau jusqu’aux épaules.
"-Mais pourquoi je te fais confiance ! T’es qu’un poivrot c’est tout ! S’est-elle écrié en hoquetant.
-Excuse-moi, Péha. Je n’ai pas pris en compte notre différence de taille ! "
-Si jamais les draps sont mouillés, je te tue !
-Les draps ?
-Ouaip, les draps ! "
Là, elle était en colère. J’ai préféré me taire pendant sa lente traversée. Plus elle avançait, plus elle sortait de l’eau. Et plus j’étais émerveillé ! Une seule semaine s’était écoulée, et c’était comme si je la rencontrais. Elle ne portait que ses sous-vêtements, mes préférés : sa brassière à armatures en lycra blanc et son shorty assorti. Je la dévorais des yeux et souriant béatement. Son visage dans l’ombre du casque, je ne pouvais voir ses yeux. Arrivée au bord de l’eau, elle a éteint sa lampe, jeté le sac loin devant et s’est hissée sur la dalle. Je n’ai même pas pu entamer un pas : j’ai tout de suite vu son visage fermé. Elle ne m’a pas adressé un regard. Elle a pris son sac, l’a posé dans le fond de la plate-forme et a commencé à déballer ses affaires, très lentement. Deux piles de vêtements, deux sachets de ramen, le petit réchaud de bivouac, emballé dans la petite popote, une grande bouteille d’eau. Elle s’est redressée, a saisi l’une des piles de linge et s’est enfin approchée de moi, sans me regarder.
"Enfile ça. " À peine un murmure entre ses dents serrées.
J’ai compris qu’il était hors de question de la serrer dans mes bras. Les papillons de mon ventre volaient en tous sens, paniqués, se demandant que faire. J’ai pris les affaires qu’elle me tendait. Je la savais fâchée contre moi, mais je ne m’attendais pas à ça !
Elle m’a planté un direct du droit dans le ventre qui m’a plié en deux, souffle coupé. Je me suis éloigné lentement, me tenant le ventre et tentant vainement de respirer. Et puis l’air est revenu ! La nausée aussi. J’ai régurgité le peu d’alcool qui restait. Les spasmes ont duré longtemps bien que je n’aie plus rien à régurgiter. Ma douce Reine en a profité pour m’invectiver... calmement, posément. Elle ne me regardait même pas : elle enlevait son casque et arrêtait sa caméra.
"Donc, si je comprends bien, tu as volé un camion pour rentrer chez toi ? Ton dernier texto, c’était "T’es pas là, je rentre chez moi. " Et tu t’es retrouvé à l’eau... On a retrouvé une bouteille de whisky à la place du conducteur... J’en déduis que tu étais saoul. Tu as mobilisé la police maritime, les secours côtiers, l’ambassade de Corée du Sud menace les responsables du stage Epkè2, tous les copains sont paniqués et moi... Moi...
Quand j’ai enfin pu me redresser, je me suis précipité sur la bouteille d’eau et j’ai bu en me débarrassant de ce goût atroce dans la bouche.
Sais-tu ce que j’ai pu éprouver en apprenant ta disparition par téléphone ? Pour la deuxième fois dans ma vie.
Les cris ont commencé à partir de là.
J’ai cru mourir en entendant que tu avais disparu ! Qu’est-ce que je serais devenue si tu étais mort toi aussi ? Tu y as pensé ? Sale con ! enfoiré ! Tapounnoum ! Séquia !"
Je me suis approché d’elle, lui ai arraché le casque des mains pour le laisser tomber. Je n’étais pas en colère. J’étais à mi-chemin entre le rire et les excuses.
"Moi aussi je t’aime."
J’ai saisi fermement son visage ente mes mains, et j’ai avidement dévoré ses jolies lèvres. Elle s’est débattue, bien-sûr. Furieuse, évidemment. Mais je me suis collé à elle, sachant très bien ce que ça déclencherait. Et comme toujours, le contact de mon corps a réveillé les papillons de son ventre. Elle n’a jamais su résister à mon corps. Et j’en ai toujours profité ! Oh oui ! Pas de gaspillage ! Nous étions déjà à genoux, prêts pour l’étape suivante, quand Brother s’est manifesté bruyamment, longuement. Sarah a sursauté puis s’est retournée. J’ai jugé le moment opportun pour récupérer le casque et remettre la caméra en marche. L’expression de ma femme découvrant Brother en valait la peine ! Sidérée, elle s’est levée et s’est approchée du bord. Mon copain avait fini de tourner et s’était rapproché du bord. Il nous regardait, légèrement couché sur le côté, en soufflant profondément et sifflant presque sans arrêt. Sarah était sidérée. Le temps qu’elle se glisse dans l’eau pour le rejoindre, j’ai fixé le casque sur ma tête et l’ai suivie. C’était si beau de la voir découvrir le dauphin que j’en ai oublié la fraicheur de l’eau.
" C’est incroyable ! Magique ! Je fais connaissance avec un dauphin.
-Je te présente Brother, qui m’a sauvé la vie cette nuit.
-Bonjour Brother! Merci de m'avoir gardé mon bêta de mari en vie. Tu permets que je te caresse ? L’animal n’a pas bronché en sentant les mains de Sarah sur lui. Je me suis alors permis de le caresser aussi. Le contact de sa peau était... indescriptible.
-Mais depuis qu’il est revenu ce matin, il tourne en rond et "crie" souvent. On dirait qu’il a quelque chose qui le gêne. Je l’ai pourtant débarrassé entièrement du filet dans lequel il était quand il est sorti du camion.
-Tu veux dire qu’il était avec toi dans le camion ?
-Ben oui... C’est pas banal, je sais... Mais c'est comme ça. Je voudrais l’aider, mais je ne sais pas ce qu’il a."
Alors, silencieusement, concentrée, Sarah a commencé ce que j’appelle "la danse shiatzu" de ses mains. Elle s’est arrêtée un instant quand ses mains sont arrivées au niveau du ventre. Elle s’est mise à rire.
-Ton Brother, il va accoucher !
Je suis resté interloqué quelques secondes pour m’écrier ensuite en me tournant vers le dauphin.
-Bro... Sister ? Mais... Mais ...Mais on fait quoi alors ? On fait quoi ? Péha ! On fait quoi ?
Voyant mon air paniqué, elle a ri de plus belle.
-On dirait un homme qui va devenir père ! Tu es trop drôle ! Arrête de stresser, tu vas lui faire peur. Continuant l’"auscultation ", elle a remarqué une bosse juste au-dessus de l’"orifice de sortie du bébé". Je ne pense pas que ce soit normal ça.
-Tu entends son souffle ? Ok, les dauphins ne respirent pas comme nous mais quand même... On dirait qu’elle a mal. Tu as une idée Péha ?
-Je suis flattée de tant de confiance, mais je n’y connais rien en accouchements de delphines moi !
-Oui, mais il n’y a que nous qui pouvons aider ici..."
Alors Sarah s’est mise à palper plus profondément, tentant de visualiser ce qui pouvait se passer à l’intérieur. La delphine restait sur place, l’évent à la surface de l’eau, et semblait s’abandonner aux soins de ma reine.
-"D'après les documentaires que j'ai vus, la queue devrait être sortie pour durcir avant que le reste du corps sorte... J'imagine que les accouchements difficiles et fatals ne sont pas que pour les humaines... Donc, se pourrait-il qu'il y ait un problème avec le bébé?"
Ma reine a nagé jusqu’à la tête de Sister, posé son front contre celui de l’animal et lui a parlé, doucement, gentiment. Elle a présenté ses félicitations pour la future naissance, l’a encouragée à ne pas abandonner et lui a demandé l’autorisation de l’ausculter par l’intérieur... Je dois dire que cette idée ne m’aurait vraiment pas effleuré! C’est Sarah ça! Elle ne se démonte jamais. Elle s’est donc déplacée vers le ventre et a enfoncé sa main à la recherche du bébé. Elle a posé l’autre main sous le ventre au niveau de la bosse. La delphine a laissé faire. À peine un sursaut. Incroyable.
-Il a la queue repliée, il ne peut pas sortir... Bon, Sister, je vais te faire un peu mal je crois. Je vais redresser la queue du bébé pour qu’elle puisse sortir normalement.
Ça a marché ! Mais sister a eu un sursaut de douleur à la sortie de la queue. Le petit a été expulsé trop rapidement, dans un nuage de sang: le cordon ombilical avait entrainé le placenta à l'extérieur et s'était détaché du bébé. La queue du petit dauphin n’avait pas eu le temps de durcir doucement au contact de l’eau, il n’arrivait pas à nager. Sister, elle, un peu plus loin , ne bougeait quasiment plus, mais on l’entendait respirer rapidement (pour un dauphin...) Sarah m’a donc demandé de l’aider à monter le delphineau à la surface pour lui permettre de respirer. Nous l’avons tenu ainsi en avançant doucement vers Sister qui était trop fatiguée pour bouger.