Épisode 12B
Mon cœur rate plusieurs battements.
Sacha est là, devant moi. Il est vivant! Même à Bija-Ri, quand Sarah m'a quitté, je n'ai pas ressenti ce froid envahissant, paralysant. Dans ma tête, tout est vide. Plus aucune pensée. Le Black Out! Un bourdonnement s'est installé dans mes oreilles, me coupant des événements qui m'entourent. Je vois ce qui se passe au ralenti, je ne peux rien faire.
Une jambe se dérobe sous l’homme à la crinière blonde. Il s’effondre au sol, les yeux toujours rivés sur ma reine. Les gens s’écartent, Sarah lâche vivement ma main pour se précipiter vers lui en criant son nom, elle s’agenouille et saisit le visage de Sacha dans ses mains. Il la regarde, visiblement perdu. Puis d’un geste brusque, il porte ses mains à ses tempes et gémit longuement dans une grimace d’intense souffrance. Il s’arque-boute, à genoux, fermé sur sa douleur. Alors, comme d’habitude en situation de crise, Sarah reprend immédiatement son sang-froid. Elle prend doucement Sacha par les épaules, l’aide à se relever lentement, secondée par la compagne blonde. Mika nous a rejoints au cri de sa mère. Il aide Sarah à remettre l’homme debout et nous aide à l’accompagner à une table de la terrasse d’un café.
Sacha est accoudé sur la table, les mains croisées derrière sa nuque, tête baissée, une horrible grimace de souffrance déforme son visage. Sarah, assise à côté, caresse doucement sa crinière. Pourtant son regard dément la douceur de ses gestes. D’un ton sec, elle ordonne :
"Reste avec nous, le Tsar ! Faut nous expliquer. La douleur va passer. Mika, de l’eau s’il te plait.
-Le Tsar ? s’étonne Mika. LE TSAR !?"
Frappé par la révélation, il saisit la tête du blond et l’oblige à le regarder puis le lâche presqu’aussitôt, surpris. Il recule précipitamment.
"C’est pas vrai ! C’est pas vrai ! Mais tu es mort ! C’est vraiment toi, beau-papa ?
J'encaisse. Il y a deux minutes encore, c’était moi le beau papa. Ah non ! pour être honnête, pour Mika je suis 아버지 (Habodji =père). Il a opté pour le terme coréen.
-Le Tsar est là ! C’est un beau jour pour renaître !
Puis il prend conscience de ma présence, se raidit et remarque juste : C’est un miracle qui va se compliquer. "
Sans ajouter un mot, Mika va prendre une carafe d’eau au comptoir et revient la tendre à sa mère. Elle tourne la tête de droite et de gauche, sans lâcher le visage de Sacha. Elle cherche quelque chose. Ne trouvant rien, elle pose le verre, se lève et saisit le bas de sa robe pour le déchirer. Comprenant enfin son intention, j’arrête son geste, retire mon t-shirt et renverse le verre d’eau dessus. Je me lève et fais un bandeau autour de la tête du grand blond, comprimant ainsi les tempes et le front, comme me l’a enseigné Sarah. Points de shiatzu pour contrer le mal de tête. Car si je ne me montre pas à la hauteur, je sens que je vais perdre la femme de ma vie. Et j’ai bien fait : elle apprécie mon initiative et me remercie. Elle se lève à son tour pour se pelotonner contre moi, me caressant doucement le dos. Je l’ai dit, elle n’a jamais su résister à mon corps ! Et là, je m’en sers comme une arme. Je passe un bras autour de son épaule, soulagé.
Sacha semble aller un peu mieux. Il lève les yeux vers Sarah et déclare d’une voix encore faible :
"Tu t’appelles Sarah N’Gué, tu es ma Shogun. Et tu es ma femme.
-Tiens, tu t’en souviens ? Au bout de trois ans ? Répond Sarah, ironique, un sourire sarcastique aux lèvres.
Un temps d’arrêt où il remarque que je tiens mon bras sur son épaule. Elle glisse sa main dans la mienne, entrelaçant nos doigts, comme une déclaration pour Sacha et moi: quoi qu'il arrive, elle ne me quittera pas.
"Ah ! Peut-être plus. Je suis vraiment en retard !"
Il serre de nouveau sa tête entre ses deux mains crispées. Son attention est tournée entièrement sur sa douleur. Il reste ainsi plusieurs minutes. Nous en profitons pour nous assoir et digérer la situation. Je l'observe avec méfiance. J'ai beau ne pas l'aimer, je ne peux nier qu'il est vraiment très beau. Avec ses yeux bleu-caraïbe, sa crinière blonde, ses traits fermes, ses lèvres pleines et son corps musclé, il a tout d'une beauté exotique. Je ne pourrai pas rivaliser. Je me sens perdu. tout ce que je sais c'est que feu le mari de ma femme est vivant, qu'il est beau comme un dieu et que nous sommes trois à avoir peur, à être tristes.
Son regard se porte sur la femme blonde qui l'accompagnait.
"Je m’appelle Sacha. Sacha Kovalsky. J’étais légionnaire en mission pour la France. Je ne suis pas David."
D’un geste lent, il montre Sarah.
"Maroussia, je te présente ma femme Sarah.
-Plus exactement ta veuve, Sacha." Répond Sarah d’un air las.
Sacha perd de nouveau pied et ferme les yeux en respirant lentement, profondément.
Zoom sur ses yeux fermés. Fondu enchaîné. Image noir et blanc.
Sacha pose l’hélicoptère de transport armé sur la zone de terre battue jaunâtre d’un camp militaire, près d’une rivière. Igor, alias Maverick, mitraillette en bandoulière fait descendre les enfants sur le tarmac et on les dirige vers un avion qui les attend pour la France.
"Plus qu’un voyage et la mission est finie. " Crie Maverick par-dessus-le vacarme des turbines.
"Ouaip ! Vive la quille ! " Répond Sacha avec un grand sourire.
Fondu enchaîné. Intérieur du cockpit.
Sacha pilote, Maverick est co-pilote. Une secousse, un choc sur la queue de l’hélicoptère. Le rotor arrière est endommagé.
"On a été canardé ! C’est quoi cette connerie ? On n’est pas en Russie !
-Non, c’est l’hélico qui est trop vieux ! Ça fait trois ans qu’il n’a pas servi ! C’est celui avec lequel on a fui. On leur avait pourtant dit que c’était une vieille casserole !
-Heureusement qu’on a largué les enfants !
-Le rotor ne tiendra pas ! On va partir en vrille! Je te largue au-dessus du fleuve. Laisse-toi flotter jusqu’au camp.
-Et toi ?
-Je saute juste après toi. "
Fondu enchaîné.
Quand son camarade a sauté, l’hélicoptère part en vrille et Sacha ne peut plus le contrôler. Il s’écrase dans un champ près d’une ferme.
Fondu enchaîné.
Retour au présent. Couleur. Gros plan sur les yeux fermés de Sacha. Zoom arrière quand il ouvre les yeux et lève la tête pour regarder la femme blonde.
"Pourquoi m’as-tu menti ? Pourquoi m’avoir appelé David ?
-Je ne t’ai jamais menti ! Jamais ! Répond la blonde en colère. Je t’ai sauvé la vie ! Oui c’est mon mari qui a abattu votre hélicoptère. Mais moi je t’ai soigné !
Mais tu sais déjà tout ça! Après tout ce que j’ai fait pour toi ! Tu es vraiment injuste ! "
Pendant ce temps, Mika est allé chercher des verres et une cruche remplie de marquisette.
"C’est tout ce que j'ai trouvé. C'est pas grand-chose, mais on a tous besoin d’un remontant, là. Dit-il en remplissant les verres.
Nous nous rasseyons. Je garde cependant mon bras autour des épaules de ma reine.
-J’aimerais bien savoir ce qui s’est passé moi aussi. Demande Sarah froidement à la blonde.
-Tu as raison. Allons-y pour les explications."
Fondu au noir. Noir et blanc.
"C’est assez courant dans les quartiers pauvres d'Odessa! Raconte Maroussia. Un homme qui dilapide tout dans les jeux, qui prostitue sa femme pour payer ses dettes. Il fuit la ville et ses créanciers pour un trou paumé de l’Ukraine. La guerre éclate juste là. Sa femme abusée et désabusée fait tout pour survivre à la ferme. Il continue de la vendre aux gradés du camp militaire de la ville. Elle est fatiguée, il en profite pour la battre si elle n’obéit pas. C’était ma vie. Et puis un jour, j’ai fait mes bagages. J’avais reçu la raclée de trop. J’étais prête à tout abandonner pour fuir cette vie. Une amie allait me cacher un moment. David m’a vue avec la valise dans la cour, il était ivre mort. Il est allé chercher le lance-roquette qu’il avait gagné la veille pour me menacer. C’est là que l’hélicoptère de Dav... Sacha est passé. C’est lui qui a reçu la roquette. On peut dire qu’il m’a sauvé la vie.
Retour au présent. Couleur.
Silence autour de la table, au milieu de l’allégresse générale. Sacha replonge dans sa prostration.
-Je suis désolé, Maroussia. Je sais tout ça. Excuse mon ingratitude. Je suis juste... tellement triste. Trois ans ! J’ai disparu trois ans !
-Tu es MORT trois longues années. On m'a ramené ton corps. Je t'ai enterré. Confirme Sarah d’une voix moins froide. Je sens qu’elle se décontracte dans mes bras. Mais si tu es là, qui est au cimetière ? Qui est-ce que j’ai enterré ?
Noir et blanc.
-La roquette tirée par mon mari a touché l’arrière de l’hélicoptère. J’ai vu l’hélicoptère se diriger vers la rivière, puis descendre en vrille. Il s’est écrasé à cinq-cents mètre de la ferme. David était tellement saoul qu’en rechargeant l’arme il est tombé en arrière sous le poids du lance-roquette. Sa tête a percuté le sol violemment. J’ai perdu le contrôle. J’ai pris une grosse pierre et lui ai fracassé le visage plusieurs fois. Quand j’ai repris mes esprits, je suis allé voir s’il y avait des survivants dans l'hélicoptère. Tu étais assis dans ton cockpit, la tête en sang contre le tableau de bord, le manche t’avait visiblement cassé quelques côtes. Quand j’ai tenté de te ranimer, tu as parlé en russe. Tu as dit : "Aidez-moi ! Je vais être en retard ! Elle va me tuer. " Et tu as de nouveau perdu connaissance.
Retour au présent. Couleur.
-Ah pour être en retard, je suis en retard." remarque Sacha en murmurant, le regard fixé sur Sarah et moi.
Noir et blanc.
-C’est la dernière chose que tu aies dite avant de reprendre conscience deux jours plus tard. Je t’ai sorti de l’appareil, puis je suis allé chercher le corps de David avec la charrette. Et je l’ai installé à ta place dans le cockpit. L’hélico était un Mi-8 russe ! Comment pouvais-je savoir ?
-Oui, je l’avais ramené quand j’ai déserté en 2017, l’armée ukrainienne l’avait réquisitionné et me l’a confié pour la mission.
-J’ai pensé que tu étais un soldat russe. Comment pouvais-je savoir ? Mais tu m’avais sauvé la vie, j’avais une dette envers toi. Alors, j’ai installé le corps de David à ta place, j’ai passé ta plaque d’identité autour de son cou. Et puis j’ai mis le feu. Et quand les soldats ukrainiens sont venus m’interroger, tu étais encore inconscient. Je t’ai fait passer pour mon mari, à qui tu ressemblais beaucoup.
-Donc, si je comprends bien, ton mari, Maroussia, est enterré ici à la place mon Tsar...
Retour au présent. Couleur.
-Oui, et c’est D... Sacha qui a trouvé judicieux de se faire passer pour lui le temps de retrouver la mémoire.
Dans un long soupir, Sarah se détache de moi et s’assoit en face de Sacha.
-Tu étais amnésique ? Pendant trois ans ?
Sacha est prostré, la tête serrée entre ses mains crispées. Il est secoué de sanglots muets. Sarah a changé de physionomie. Elle semble plus triste que colère. Elle dégage d’un geste tendre une mèche du front de son mari. Je suis si abasourdi que j’en oublie d’être jaloux.
-C’est fin mai que David...
-SACHA ! Rectifions-nous Sarah, Sacha et moi.
Noir et blanc sur le film muet.
-Que Sacha a commencé à retrouver la mémoire. Un soir, au journal d’informations, une femme noire avec des plaies à la joue a fait la une. C’est la première fois que je le voyais pleurer. Des larmes coulaient sur ses joues et il répétait: "Shogun, shogun!" sans vraiment savoir pourquoi.
-À partir de ce jour, des images et des noms ont commencé à me revenir. En une semaine, nous avons retrouvé la Sarah N’Gué des infos. Et puis un nom m’est revenu : Mévouillon.
-Dans un pays en guerre, les connexions internet ne sont pas toujours très bonnes... Nous avions votre nom, votre nationalité et Mévouillon.
-Nous avons parcouru toute la France sur toutes sortes de cartes, pour enfin trouver Mévouillon. Et là, le flash : "Je dois y être le 14 juillet ! "
Retour au présent, couleur.
-Nous avons eu la chance d’obtenir un visa rapidement. Maroussia a fait chanter un haut gradé de la légion française et nous a obtenu trois visas.
-J’ai vendu la ferme pour une bouchée de pain, et Sacha, Héléna et moi avons investi toute notre fortune pour financer notre voyage. Nous avons tout misé sur le fait que D... Sacha connaîtrait du monde ici et qu'il retrouverait la mémoire. Voilà, c’est t...
À ce moment-là, une grande femme brune s’approche de la table et se penche sur Maroussia pour l’enlacer. Elle a parlé en russe, alors, je traduis.
"Ah vous voilà ! Je vous cherche partout ! Merci de m’avoir attendue ! Dans un coin où je ne connais personne et où je ne comprends rien ! En plus, vous avez de la compagnie, vous ! En levant les yeux, elle avise Sarah et s’interrompt. Elle se redresse. (en français) "Incroyable ! C’est celle à qui je pense ? Sarah ?LA Sarah ?
-Oui Héléna, je te présente LA Sarah N'Gué. La femme de Sacha Kovalsky. Répond Maroussia.
Je m’empresse d’ajouter : Et son compagnon Seung-Chul.
Héléna me regarde un instant sans rien dire. Puis elle tourne la tête vers Sacha.
-Sacha Kovalsky?
-David EST Sacha.
-C’est pas vrai ! Tu as retrouvé la mémoire ?
Alors là, ça se complique, on dirait."
Héléna s’assoie à la table lourdement, sous le choc.
-Oui, je trouve aussi. Et pour finir les présentations, voici ma compagne Héléna." Termine Maroussia en s’adressant à nous. Il nous reste juste assez d'argent pour attendre notre statut de réfugiées politiques.
-Quant à moi, ajoute Sacha en essuyant ses larmes d'un revers de manche, Je n'ai plus rien. Enfin... Je n'avais rien, pas même ma mémoire, jusqu'à maintenant.
Il lève la tête et nous regarde tour à tour, Sarah et moi. Les larmes coulent encore le long de ses joues. Ma reine tourne son visage vers moi. Elle semble perdue, éperdue même. Elle aussi pleure silencieusement. Ni l'un ni l'autre ne savons que faire. Je suis atterré. J'ai peur aussi: vais-je la perdre? J'approche ma main de son visage pour essuyer ses larmes. Sacha nous fixe tous les deux de ses yeux caraïbes.
-Je suis vraiment mort alors.
-Je suis tellement désolée! Tu es mort il y a trois ans! On m'a ramené ton corps. Je t'ai enterré et je te rends visite chaque semaine. Je te parle, je te raconte ma vie. Ce soir, j'allais te présenter Seung-Chul...
-Quel gâchis! Je t'ai perdue et ce n'est la faute de personne.
Nous gardons tous le silence un long moment, déroutés par tous ces rebondissements. Sacha toujours prostré, la tête entre les mains, tout à sa douleur. Sarah, assise à côté de moi, me tenant la main, regardant fixement Sacha, expression hésitant entre la joie et le chagrin, moi, un bras autour des épaules de Sarah, le regard balayant la scène inlassablement, le cœur plein d’appréhension, Maroussia, la tête sur l’épaule d’Héléna, elles sont perdues dans leurs pensées. Et Mika, bras croisés, jambes tendues devant lui, un sourire énigmatique aux lèvres. C’est lui qui dénoue la situation:
"Bon. Nous ne pouvons rien faire ce soir : il faut que chacun de nous intègre les nouvelles données et s’en imprègne avant de discuter d’un avenir heureux pour tous et toutes.
-Tu as raison. On va vous trouver des chambres à la maison. Comme ça on pourra résoudre certains problèmes au petit déjeuner. Suggère Sarah.
-Mais nous avons réservé un gîte sur Pelleret. La ferme. Remarque Maroussia.
-En fait, c’est chez nous. Je me souviens maintenant. Répond Sacha d’une voix éteinte. Enfin... Chez Sarah maintenant.
Mika insiste.
-Je propose quand-même que les filles dorment chez moi cette nuit pour vous laisser du temps tous les trois. Demain matin, Héléna, Maroussia et moi ferons le point sur leur situation et comment elles voient leur avenir. Et vous ferez de même chez vous. On se retrouvera l’après-midi pour une mise au point."
Le retour au gîte m’a paru très long. De Mévouillon au gîte de La Ferme à Pelleret, nous devions parcourir environ quatre kilomètres de chemin rocailleux. Nous soutenions Sacha par la taille, ce qui m’a rappelé le temps de notre marche siamoise. Mais je n’étais pas d’humeur romantique à ce moment-là. Je bougonnais.
"Et dire que nous sommes sous un magnifique ciel étoilé, le chemin est bien éclairé par la lune... On aurait pu marcher tranquillement en amoureux...
-Dis, ma Star, tu pourrais être plus compatissant non ! Tu vois bien qu’il souffre! "
Oui, je le voyais bien. Mais si une part de moi était heureuse que cet homme soit encore en vie, j’aurais vraiment préféré qu’il soit resté amnésique loin de nous, en Ukraine. La colère montait en moi, d’ailleurs. Pourquoi fallait-il qu’il soit revenu ? Il allait bien-sûr vouloir récupérer sa femme. Et je n’aurais plus qu’à repartir seul.
Colère.
Peur.
Désespoir.
Tout à coup, Sacha s’est dégagé de notre soutien, a porté les mains à ses tempes, enlevé le bandeau et l’a jeté d’un geste agacé. Puis il s’est plié en deux sous l’effet d’une violente douleur à la tête. Il a comprimé ses tempes en gémissant de plus en plus fort. Et il s’est effondré sur le chemin. En tombant au sol, sa tête a percuté violemment une pierre saillante et on a entendu un gros claquement.
Allongé en chien de fusil sur le sol, il ne bougeait plus.
Nous nous sommes précipités pour le relever.
Sarah l'a doucement tiré par l'épaule pour l’allonger sur le dos.
Il était inerte, les yeux et la bouche ouverts.
Son front était couvert de sang qui s’écoulait encore doucement d’une plaie longue et profonde.
J’ai honte d’avoir été soulagé en cet instant : la première idée qui m’est venue, malgré le vide froid que je ressentais, était : "Je vais garder ma femme. "
Sarah s’est affalée à genoux à son côté, un froid glacial s’est emparé de moi. J’étais paralysé.
"C’est une plaisanterie ! Ou plutôt un cauchemar. Il ressuscite après trois ans, et il revient mourir devant moi ? "
Elle a posé la tête de Sacha sur ses genoux et caressait son front inondé de sang. Debout derrière elle, je voyais ses épaules secouées de spasmes.