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Prologue

   Une grande chambre, trois murs blancs, et sur le dernier : une fresque représentant une montagne façon estampe chinoise. Le soleil entre à flots par la grande baie vitrée, c’est un matin d’été. Le grand lit, un matelas sur une estrade de bois, est baigné de sa lumière chaleureuse. Sous la couette de satin chatoyante, deux vieux sont allongés l’un contre l’autre, enlacés.

   L’un, couronne encore blonde entourant un crâne semé de taches de rousseurs, se tient au creux des bras de l’autre, cheveux blancs clairsemés coupés en brosse. Les yeux bleus délavés de Couronne d’Or fixent tendrement ceux, noirs, bridés, de Casque Blanc.

   Regards résignés, tristes. Mais tant d’amour exprimé !

   Leurs lèvres ridées se sourient tendrement, puis se rencontrent dans un baiser flétri, chaud, doux, amer.

Casque blanc murmure tendrement dans l'oreille de couronne d'or:

 “Le premier était plus fougueux...

Couronne d'or blottit sa tête dans le cou de son compagnon en riant doucement.

- J'ai encore le goût de tes lèvres d'alcoolique dans la bouche.”

Casque blanc prend la tête de Couronne d'or dans ses mains pour mieux le contempler.

Fondu enchainé

Gros plan sur le baiser passionné de deux jeunes hommes. L'un a les traits asiatiques, l'autre est blond aux yeux bleus.

- “C'était bon hein? Finalement, je l'étais peut-être un peu...

- Quoi donc?

- Pédé.” Répond yeux-noirs en se calant sur le dos, yeux-bleus au creux de son épaule.

- Heureusement qu'elle n'est pas là pour entendre ça!

- Ouaip! Quand tu la reverra, dis-lui qu'elle me manque.

- Tu vas aussi nous manquer. Rejoins-nous vite.”

    Nouveau baiser, plus enjoué cette fois. Puis leurs lèvres se séparent, Couronne d’Or expire son dernier mot : "à bientôt". Il ferme les yeux sous le regard infiniment triste de casque blanc. Dernier souffle. Sa main glisse lentement hors du lit.

 

   C’est fini.

 

   Casque Blanc, étouffant un sanglot, se glisse délicatement hors du lit, remonte tendrement la couette sous le menton de couronne d’or et sort à pas lents, à pas lourds, à pas usés. Referme la porte doucement derrière lui. Dans le couloir sombre, huit personnes attendent avec respect leur tour pour un dernier hommage. Ils et elles sont âgés, métis pour la plupart.

   Casque Blanc les regarde à peine, ils savent tous tout ce qu’il en est. Il entre dans la pièce qui fait face à la chambre. La porte du bureau se referme dans un léger claquement sur la douleur du vieux.

  “ On devrait peut-être le rejoindre pour le consoler. (Une femme brune d'une soixantaine d'années.)

 - Il nous a déjà fait part de ses dernières volontés: on doit le laisser tranquille jusqu'au bout. Personne ne peut entrer dans cette pièce à partir de maintenant.

On doit juste poser ses repas devant la porte. (Homme métis, grand dans les quatre-vingts ans.)

 - Il faudra bien qu'il sorte pour ensevelir Sacha. (Femme métis aux longs cheveux bouclés blancs, la soixantaine.)

 - Il en a parlé avec Sacha: Il ne sortira plus. Même pas pour l'accompagner.”

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