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Épisode 15B 

    La lumière jaune des lampadaires éclaire le pont Pavlograd, entre Lysychansk et Sievierodonetsk, tombé aux mains des russes. Deux soldats armés montent la garde derrière la barrière frontière, à l’entrée du pont. La musique et les cris venant de la piscine de la grande villa, nommée villa  Gorbatchev, contrastent avec le calme des berges de la rivière Donets. Les soldats restent silencieux. La maison est à une centaine de mètres, cachée derrière un rideau boisé, et pourtant, les hurlements des «invités » du commandant Kovalevski et de son hôte, Lotus, le commandant en chef du groupe Wagner, couvrent le son de la musique. Le visage des sentinelles se ferme à chaque cri. Ils ne disent rien, mais des larmes coulent sur le visage du premier et le deuxième ne peut empêcher le tremblement de ses mains sur son fusil. Leur tâche est de surveiller le pont et d’arrêter les espions de ce soir, qui pourraient s’échapper par-là, selon la traitresse Irina. Alors, le regard perdu vers l’autre rive, ils se ferment comme ils peuvent aux hurlements de souffrance qu’ils entendent. L’un d’eux écarte son fusil pour prendre une cigarette dans sa poche pectorale. Il en tend une à son collègue, puis sort son briquet pour les allumer. Aucune parole n’est prononcée. Ils ne se regardent pas. Ils savent que l’autre lira la honte sur son visage. Pendant cet échange, ils ne remarquent pas les trois ailes noires qui passent au-dessus d’eux, suffisamment haut pour ne pas être éclairées par les lampadaires. Le discret sifflement des parachutes est couvert par la musique et les cris.

    Boris, le grand, (celui qui a proposé la cigarette), cheveux blonds cendré dépassant à peine du casque, se détourne un instant pour un regard en direction de la villa. Il parle d’une voix tremblante à Vania, légèrement plus petit, cheveux bruns tombant sur la nuque, non réglementaires.

 “Quand je me suis engagé en 85, j’étais fier de servir mon pays. C’était la perestroïka. Les choses allaient devenir plus équitables. Et j’étais prêt à faire la guerre pour défendre mon pays...

Un long hurlement se fait entendre de la villa.

... Mais ça, c’est pas la guerre !

-Alors c’est quoi?” demande Vania en se tournant vers lui. Boris vient de distinguer un mouvement au-dessus de la rivière. Il se poste rapidement derrière Vania pour l’obliger à tourner le dos à la maison. Il a remarqué trois parachutes survolant la route derrière la maison. Il prend le jeune par les épaules et, le regardant dans les yeux, déclare :

 -“Ça, c’est une boucherie, une invasion pure et simple de nos voisins, qui étaient nos camarades il y a juste quarante ans. À l’époque, on n’était pas riches, on savait que d’autres s’en fichaient plein les poches, mais nous gardions cette confiance dans un avenir meilleur, grâce à Gorbatchev. Il a tenté de sauver l’URSS lui.

-Fais gaffe à ce que tu dis vieux schnock! C’est de la subversion! Tu pourrais avoir de gros ennuis si on t’entendait.

Les parachutes disparaissent derrière le bois.

-Vas-y, dénonce-moi. Je m’en fous. Personne ne me pleurera. Décidément, ce que les jeunes peuvent être cons! Incapables de réfléchir.

-Retourne à ton poste, connard!” Répond Vania en le prenant par le col et le repoussant fortement vers l’arrière. Les deux soldats se séparent. Ils ne s’adressent plus la parole pendant un moment.

 

Plan de coupe: vues à partir d’un drone: passage en accéléré allant du pont avec les deux soldats jusqu’à la lisière du champ. Retour à la vitesse normale où on voit les parachutistes faire leur manœuvre d’atterrissage.

Arrivé à la hauteur de l’usine, demi-tour du drone en un large cercle, images des 3S se débarrassant de leur matériel.

Puis de nouveau survol en accéléré au-dessus de la forêt. Retour à vitesse normale au-dessus de la route quand Sacha et Dimitri la traversent pour aller au garage. La caméra bascule pour voir un soldat qui les remarque sur le pont. C’est le jeune. Zoom rapide pour voir le grand blond assommer Vania par derrière avec son fusil. (Tout ça en un seul plan!)

Retour à un plan large sur le pont.

Boris sort une cigarette et l’allume en s’accoudant au parapet, comme au spectacle.

 “C’est pas la guerre, ça!

Plan de Sacha nu et Dimitri qui avancent jusqu’au portillon, vus par-dessus l’épaule de Boris.

Les gars, je fais ce que je peux pour aider, là... Faites au mieux... Et rapidement.

Un nouveau cri de souffrance et des rires.

 Il faut que les cris s’arrêtent.”

Élargissement du plan: Vania commence à se réveiller aux pieds du grand blond. Boris l’assomme à nouveau avec la crosse de son fusil. Deuxième cigarette, il s’adosse à la rambarde pour la savourer en contemplant les étoiles. Puis on entend le moteur du 4x4. Il tourne légèrement la tête pour voir le véhicule monter le chemin pour s’engager sur la route du pont... Vers l’usine.

“Ben voilà: Ils ne prennent pas le pont. Donc, je leur tire pas dessus! Du coup, j’ai rien à faire!”

Boris se redresse, donne un coup sur la tête de Vania toujours inconscient.

“Bouge pas de là toi.”

Il remet son fusil en bandoulière et quitte le pont pour se diriger vers l’entrée de la maison.

“En revanche, je ne vois pas trop comment ils vont sortir d’ici en passant par l’usine.”

(NDA : Ceci est un procédé purement Drama : faire penser les personnes seules à haute voix. On en prend vite l’habitude.)

 

Changement de plan : vue du drone avec Boris, (la sentinelle) qui se dirige vers la maison par le nord et Sacha, nu et noir, avec la ceinture de dynamite à la taille, qui en sort par le sud. Ils ne se voient pas.

Puis travelling:  de Sacha se balançant sous le pont vers  Vania qui se réveille et part pour la villa.

Plan de Sacha, sur la passerelle, qui place les explosifs.

Nouveau plan, au bord de la piscine:

 

Boris déambule le long du bassin, fusil en main, prenant la mesure du désastre. Il tente de sortir l’un des soldats flottant au bord, en vain.

“ Bah, quelle importance. Ils sont tous morts.”

Il contourne le transat pour trouver le corps du commandant Wagner bouche bée sur un cri qui n’est jamais sorti, les yeux figés dans une expression de surprise et de peur qui le fait frémir.

“Il n’y a plus rien à faire ici. Et j’ai peut-être encore une chance d’échapper à tout ça.” dit-il en se précipitant vers les escaliers.

    Dans le garage, il remarque tout de suite la moto, l’enfourche et démarre au quart de tour.

Plan large pour voir la moto quitter le garage par le sud pendant que Vania entre par le nord. Sacha, penché en travers de la trappe ne voit pas la moto, ni ne l’entend, à cause du bruit de l’eau et de la musique. C’est une moto électrique.

 

Sous le pont, Sacha reprend la discussion.

 

“Il ne t’a pas tout dit, Shogun: je vais finir l’histoire. Tu nous pardonneras ou non. En ce qui me concerne, je ne m’excuserai pas. Ça devait se faire... C’est tout.

 

Fondu enchainé, retour dans la cuisine de Mévouillon. Voix off de Sacha, gênée par ses efforts pour avancer sous le pont.

 

Quand ta Star m’a embrassé, j’étais peut-être saoul, mais surtout envoûté! Ses lèvres avaient le même goût que les tiennes dans mon souvenir. Alors, quand il a voulu s’écarter, je les ai retenues, mes mains emprisonnant sa tête. J’étais tellement ivre que tout se mélangeait dans ma tête. Ses lèvres... Les tiennes...Je n’étais plus que sensations. Nous nous sommes levés pour mieux nous étreindre. Ce baiser était fou, à la mesure de notre ivresse... Mais peut-être que ce n’était pas que dû à l’alcool. Et puis la Star m’a repoussé en s’écriant :

“Eh ! C’est pas un baiser coréen ça ! Le Prencheukisseu (french-kiss), on l’a utilisée plus tard! Sur la terrasse.”

-C’est vrai, je me souviens... déclare Sarah nostalgique [en voix off sur les images de la scène]. Mais qu’est-ce que je raconte? Je devrais être furieuse!

-Et là, poursuit Sacha, il a enlacé ma taille et m’a expliqué :

“ Elle pensait encore à toi à ce moment-là. Je lui ai juste offert un moment de répit... Et puis elle s’est exaltée. Elle a réagi comme ça. ” Ah il m’a bien expliqué, ton coréen! Il m’a plaqué contre le mur et il m’a roulé une patin de pelle... Mémorable ! Ah ça, des papillons, j’en avais plein le ventre, le cœur, la tête. C’était grandiose.

-Je confirme pour les papillons.(voix de SeungChul) À l’ambassade avec toi, ma reine, comme à Mévouillon avec ton Tsar.

-Il a doucement baissé la fermeture éclair de ma chemise...

-Heu... Eh! T’as pas besoin de rentrer dans les détails, merde! S’énerve Seung-Chul. J’expliquais juste comment ça s’était passé à l’ambassade! Il voulait savoir.

-C’est vrai, c’est ce que j’ai fait à l’ambassade... (voix nostalgique de Sarah) J’ai aussi caressé tes épaules et ton dos et... Waaaah! C’était tellement doux, et beau! Patin de corps de gymnaste...

-Ouaip, ben j’ai fait pareil... J’étais complètement saoul! Je dois dire qu’il est bien bâti ton Tsar! Et il prend soin de sa peau le bellâtre. J’ai encore du mal à assumer le plaisir que j’ai ressenti... Mais à  partir de là, il a innové: il est allé plus loin que moi à l’ambassade. Il a soulevé mon t-shirt pour le passer par-dessus ma tête. C'était ridicule.

-Hé ! Tu m’as aidé sur ce coup-là! On était complètement frénétiques! Tu as même enlevé ma chemise.”

 

Retour au pont.

Plan de Sacha revenant sur la berge en se balançant le long des traverses, vu par derrière. Le plan va s’élargissant en travelling pour qu’on remarque Vania qui sort de la maison par le sud.

 

La voix de Sacha s’arrête un instant. Il est arrivé au bout du pont et saute sur la berge. C’est le silence, la musique s’est arrêtée.

 

Gros plan sur Seung-Chul soucieux, affairé à soigner un blessé. Son visage est fermé. Il fronce les sourcils, lèvres pincées.

 

“C’est le démarrage du frigo qui nous a ramenés à la raison. On a sursauté! Tu aurais dû voir ça! Reprend Sacha.

-Ouaip ! On s’est regardés comme des andouilles avinées. J’avais un peu honte. Ajoute la star en regardant vers Sarah.

 

Retour sur Sacha qui avance à couvert sous le pont. Il reste silencieux mais repense à la scène.

-C’est ça ! bien-sûr ! C’est pour ça que quand on s’est séparés tu as prononcé un grand “Waow !”

-Oh ta gu...”

 Seung-Chul n’a pas le temps de finir sa phrase. C’est le moment où Sacha s’élance vers la villa, et qu’une balle l’atteint à la cuisse. Il s’effondre dans un souffle. Vania passait l’angle de la villa précisément à ce moment-là, par le sud. Ayant vu Sacha, il a tiré avec son fusil et le garde en joue.

   Dans l’hélicoptère, Seung-Chul et Sarah ont entendu le coup de feu, ainsi qu’un hoquet de souffrance. Puis plus rien.

Un hurlement unique sort de leur bouche. “Sékaï! ”

Silence.

“Désolé, mes chéris, faudra partir sans moi. Déclare Sacha dans une grimace. J’ai une balle dans la cuisse. Peux  plus courir! De toutes façons, j’ai aucune chance: on me barre la route.

- Hors de question! Attends-moi! Je viens te chercher!”  Hurle Seung-Chul.

C’est à ce moment que l’entrepôt explose et qu’une moto s’arrête devant la porte latérale de l’hélico. Le comédien saisit le pilote, Boris, par le bras et le tire de toutes ses forces. Alors que le soldat tombe, Seung-Chul redresse la moto, saute en selle et démarre en trombe.

- “C’est bon ! On savait ce qu’on risquait hein. Je vais me rendre. Filez.

- Pas question ! Si tu te rends, t’es mort !

- Je suis mort il y a trois ans. J’ai eu un sursis. J’ai pu vous revoir tous les deux! Je n’en attendais pas tant!

Sarah intervient à ce moment: Ok, rends-toi. Gagne du temps. La Star arrive avec la moto. Il est déjà parti.”

 

       Plus loin dans l’usine, une dizaine de soldats sortent du bâtiment qui sert de caserne en face de l’entrepôt en feu. Ils ne savent que faire. “C’est un moindre mal, remarque un soldat. Il n’y avait personne puisque les prisonniers sont dans la villa. Déclare l’un d’eux.

Le chef reprend ses esprits et crie :

- Non, il y a encore Yvan et le coréen. Ils interrogeaient Irina. Ils sont au sous-sol. On va dégager jusque-là. Ils ont peut-être été protégés de l’explosion. Allez chercher le FTP! (Camion-Pompe qu’on relie à une bouche d’incendie)

- Mais on n’a pas ça!

- Si! On l’a saisi dans la caserne de Sievierodonetzk! Justement pour un accident comme celui-là.

- Il est où?

- Dans le parc à véhicules, près des chars d’assaut.”

 Trois soldats s’élancent alors vers le parc, en direction de l’hélicoptère.

    Dimitri, qui a aidé Boris à grimper dans l’hélicoptère, les voit arriver. Il monte précipitamment.

“Décolle! Ils arrivent!

- Mais je sais pas piloter, moi! S’exclame Sarah terrifiée.

- Arrête de psychoter et prends le cyclique! Enzo et moi on t’a appris! Répond calmement Sacha .

- Mais je testais son simulateur!

- Tu n’as pas le choix! Bouge-toi! Sinon, on est tous morts! Crie Seung-Chul.

- Bordel!  Sarah se met aux commandes tout en récitant: Je ne connaitrai pas la peur. La peur tue l’esprit. Ma peur est la petite mort qui conduit à...

- Ouaip ben n’ajoutons pas notre grande mort! ”Ajoute Seung-Chul en fonçant vers la villa.

   L’hélicoptère s’arrache du sol au moment où les soldats arrivent sur le terrain. Il tangue et roule en s’élevant. Les passagers crient. Dimitri s’énerve. Il s’en prend à Sarah.

 “Eh, fais gaffe, Grande Couillonne!

- Je voudrais t’y voir, Grand Dadet !”

    Pendant ce temps, Seung-Chul arrive sur la grève entre le pont et la villa. Sacha est debout, bras levés. Il a réussi à avancer jusqu’au centre de cette plage. Vania, le soldat russe, est debout à une dizaine de mètres et le tient en joue. Entendant la moto arriver en haut de la pente, il se tourne et commence à tirer dans sa direction. La Star lève l’avant de la moto pour se protéger des balles et poursuit sa course sur le soldat en roue arrière. Vania continue à tirer jusqu’au dernier moment, il ne s’écarte pas de la trajectoire. Seung-Chul abat alors l’avant de la moto sur le soldat qui s’écroule en arrière. L’acteur n’attend pas d’être coincé par la moto: il bondit dans une belle roulade, se redresse aussitôt, relève la moto et démarre en direction de Sacha qui traîne la jambe pour le rejoindre.

Il s’arrête juste devant le Tsar dans un magistral dérapage. Il tend le bras au Tsar pour l’aider à monter.

“Grimpe! On va rater la fenêtre de départ!”

-T'aurais dû faire cascadeur! Pas acteur!

- J'ai appris avec la Zito! Tu la remercieras!

    Pendant ce temps, l’hélicoptère avance très lentement en chaloupant au-dessus de la route qui mène au pont. Sarah se démène tant bien que mal pour le garder stable.

 “Panique pas: tu t’en sors pas trop mal. Déclare Dimitri pour la calmer. Tu vas t’y faire.

 - Sarah, dis au Grand Dadet de sortir l’échelle. Demande Seung-Chul.

- Quelle échelle ? S’énerve Sarah.

- Celle en corde qu’on a vue en s’installant dans l’hélico pardi!

- Patin! Oui! Tu es génial ma Star!”

   Une échelle de corde se déroule rapidement sous le MI8 pendant que la moto remonte en trombe vers la route.

“ Vous pouvez m'expliquer? Demande SAcha.

- En haut de la montée, quand la moto bondira, on fait comme avec les tissus aériens à Mévouillon!  

-Mais j'ai plus qu'une jambe!

-Et alors? Ça m'est arrivé aussi!”

Fondu enchaîné: Gymnase de Mévouillon, soirée avec Sarah et Marielle.

   Sacha et seung-Chul sont agrippés d'une main au mur d'escalade, les talons sur les prises de pieds.

-“T'es pas cap! Défie le coréen en désignant les tissus qui pendent à trois mètres devant eux.

- Quand tu veux, mon vieux.

- À trois!”

 Aucun des deux n'attend le décompte. Ils sautent dans un même élan pour se suspendre aux rideaux.

Fondu enchaîné sur la fin du chemin à moto..

Sarah ayant réussi à stabiliser l’appareil au-dessus du croisement, les deux motards bondissent pour attraper l’échelle quand la moto s’élève à la sortie du chemin. L’hélicoptère s’élance alors en prenant de la hauteur. Sacha et Seung-Chul se tiennent presque sans efforts à l’échelle. Ils semblent soulagés. La pile du pont explose au moment où ils atteignent  l’autre rive. Le jour se lève.

“ C’est bien ça que tu voulais faire quand tu as commencé le français? Te tenir à une échelle sous un hélico? Demande Sacha, sourire aux lèvres.

- Ouaip... Mais je voulais juste faire un film, moi. Répond Seung-Chul en fouillant dans son blouson. Il en ressort deux bâtons de dynamite et en tend un à Sacha.

- Plains-toi! C’est pas mieux en vrai?

-Si tu enlèves la peur de mourir, oui, c’est mieux...

- Le convoi des enfants arrive juste en face les gars! On ne se relâche pas! Annonce la voix tendue de Sarah.

- On est prêts.” Répond Seung-Chul dans un sourire.

Sacha et lui portent leur bâton de dynamite à la bouche pour le tenir entre les dents pendant qu’il fouille sa poche. La Star sort un briquet de sa poche. Quand il l’approche de la mèche de Sacha, celui-ci fait un pare-vent de sa main libre tandis que la Star déclanche la flamme. Puis ils récidivent pour le bâton de Seung-Chul. Ils arrivent à portée du premier véhicule. Seung-Chul lance son bâton devant les roues du blindé qui roule dessus et saute au moment de l’explosion. Le Tsar, en revanche, prend son temps. Avant de jeter son bâton, il l’écarte de sa bouche comme un cigare et ose déclarer:

- J’adore quand un plan se déroule sans accroc.

Puis il le lance juste sur le passage du blindé, dont l’avant s’élève dans le souffle de l’explosion.  Les voix de Seung-Chul et de Sarah retentissent, moqueuses.

- Frimeur!

Le véhicule termine sa chute sur le toit.

    Pendant ce temps, la Star se défait de sa ceinture de grenades, tire sur la ficelle qui reliait toutes les goupilles et jette le tout sur le camion de transport des troupes, qui explose littéralement.

- Je pose l’appareil. Soyez prêts. Ça va secouer.

- Montre-nous ce que je t’ai appris. Répond Sacha calmement.

Sarah pousse le cyclique un peu trop sèchement et l’appareil descend brusquement, sur quelques mètres.

- Souple, les commandes, souples! Conseille le Tsar flegmatique. La jeune femme se reprend dans une longue expiration et descend lentement le MI8 . Les deux hommes quittent l’échelle en une enjambée souple, s’écartent et l’engin se pose en travers de la route, devant le dernier véhicule, celui qui transporte les enfants. Dimitri et Boris sortent avec leur fusil et menacent les soldats russes tandis que Sacha et Seung-Chul s’avancent pour faire sortir la dizaine d’enfants entassée à l’arrière. Cependant, quand Sacha ouvre la portière, les enfants terrorisés s’écartent pour se blottir le plus loin possible de l’autre côté.

- Qu’est-ce qui leur prend? S’étonne le russe en se redressant.

- Ben... Un grand noir aux yeux bleus, nu, qui se précipite sur eux... Après ce qu’ils viennent de vivre... Mets-toi à leur place! Répond l’acteur ironique en s’approchant. Il retire son blouson, le passe autour de la taille de Sacha et le noue sur la hanche. Compréhensif, le Tsar s’écarte du passage et demande en ukrainien aux enfants de se dépêcher de monter dans l’hélicoptère. Ces derniers obtempèrent rapidement, peu  rassurés. Tout se passe très vite. Voyant un mouvement dans les véhicules retournés, Sarah panique et redécolle au moment où Seung-Chul pose le pied dans l’appareil. À deux doigts de basculer hors de l’hélico, il est retenu par Sacha qui ne peut s’empêcher de déclarer dans un sourire.

- Tu tombes, on tombe!

Le russe l’enlace en le ramenant à l’intérieur. Une fois stabilisé, Seung-Chul tente de s’écarter pour trouver une place dans la carlingue, mais Sacha le retient, le dévisageant. On lit le soulagement dans son regard. Puis, sans avertissement, il plante un baiser sonore sur les lèvres du coréen, avant de s’effondrer  sur sa jambe blessée.

- Désolé: J’ai plus d’énergie. S’excuse-t-il.

À ce moment, la voix de Sarah résonne dans les oreillettes.

- On pourrait avoir un peu de sérieux là? Sacha, j’ai besoin de toi aux commandes! C’est pas le moment de te relâcher. Et puis cessez de vous bécoter sans arrêt à la fin! C’est déplaisant!

- J’arrive. Répond Sacha en se relevant dans une grimace. Seung-Chul l’aide à atteindre le cockpit en plaisantant:

- T’es jalouse? Demande-t-il près de son oreille.

Sarah tressaute dans son siège, énervée.

- Séquia! Et d’abord, de qui serais-je jalouse? De toi ou de lui?

S’agrippant au dossier du siège de Sarah, Sacha se penche vers elle, et la saisissant doucement par le menton pour que leurs yeux se rencontrent, il susurre:

- Peut-être des deux?

Cette fois, le baiser est plus langoureux, plus long, plus doux qu’avec Seung-Chul. Sarah se laisse transporter.

- Heu, Sarah? Tu pourrais arrêter de jouer avec le manche s’il te plait? C’est pas confortable là. Demande le coréen en tentant de s’asseoir dans un coin. Elle ne répond pas. Une embardée fait perdre l’équilibre à l'acteur qui tombe sur les genoux de Boris.

Sarah! Reprends-toi! Nom d'un chien!

Nouvelle dépression.

Sarah! Ne joue pas avec le manche! Hurle le coréen paniqué.

La jeune femme s’écarte enfin de Sacha, revenant à la réalité. Entendant la remarque de Seung-Chul, son regard descend le long du torse de Sacha puis s’arrête.

- Mais quoi! Je joue pas avec...

-Le cyclique mon cœur. Corrige doucement le Tsar en dirigeant son menton vers la commande de l’appareil. Il te parle du cyclique!

L’étonnement se peint sur le visage de la jeune femme. Gênée, elle se rassoit coorrectement dans son siège.

- Patiiin ! C’est du n’importe quoi cette situation! Arrêtez de me faire perdre la tête! On n’est pas en vacances ici! Et puis toi, reprends le volant! J’en ai marre!

-Ah non, je peux pas! J’ai bien trop mal à la cuisse pour piloter. Je veux bien faire le co-pilote, mais c’est tout. Tu t’en sors très bien.”

À l’arrière, tout le monde est calme, Boris et Dimitri s’occupent comme ils peuvent des blessés, les enfants semblent épuisés. Seung-Chul s’est assis près d’Irina qui respire lentement, difficilement et lui prend la main. Il écarte une mèche de son front. Des larmes coulent sur ses joues.

“On a réussi! Dit-il en s’essuyant les yeux. Il lève les yeux pour voir Sarah et Sacha dans le cockpit, tout à leurs manœuvres.

- Ouaip! On a réussi! Répond Sarah qui lève une main pour « checker » avec Sacha.

- Alors, pourquoi je me sens aussi mal? Demande la Star dans une grimace de souffrance.

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