



Les aventures
de Sacavie
Épisode 1
Sacavie ou le cartable voyageur
Voici l’histoire de Selma.
Ou plutôt l’histoire de son cartable.
Ou peut-être est-ce une histoire d’amitié entre Selma et son cartable ?
Selma est une petite fille comme beaucoup d’autres. Elle a deux maisons. Deux lits. Deux bureaux. Deux maisons de poupée. Deux consoles.
Mais un seul cartable.
Un sac à dos bleu et gris, un peu râpé sur les coins, qui a connu la pluie, la neige, le sable de la plage et les miettes de goûter.
Un cartable qui voyage.
Elle l’a nommé « Sac à vie » (sacavie) parce que, dit-elle : « C’est le gardien de toutes mes vies : celle avec papa, celle avec maman, celle avec l’école, celle avec papy et mamie… » (Et peut-être même une autre encore, qu’elle n’a pas encore vécue.)
Il la suit partout : chez Papa la semaine impaire, chez Maman la semaine paire. Il grimpe les escaliers de l’immeuble de Maman, puis vole dans le jardin de la maison de Papa. Il dort dans le salon ou sous le bureau, parfois au pied du lit.
Le lundi matin, il est rempli de cahiers et de livres.
Mais dès que les vacances arrivent, Selma le transforme :
elle y glisse son doudou préféré, sa trousse de feutres, son pyjama et ses vêtements, roulés comme des crêpes, sa console de jeux, et un carnet pour dessiner les petits bonheurs.
— On part, mon vieux ! dit-elle en le fermant d’un zip.
Et le cartable vibre un peu, comme s’il était content.
Quand il va en montagne avec Papy et Mamie, il se fait le plus léger possible pour que sa grande amie Selma ne se fatigue pas trop vite. Car il sait bien, lui, que plus on monte haut, plus l’oxygène se fait rare. Quand elle peine dans les montées, il lui rappelle une chanson, une poésie, une idée, qu’elle partage avec ses grands-parents. Alors, Selma et lui arrivent au sommet le cœur léger, la tête pleine d’émerveillement.
Et pour les moments difficiles de Selma, à son retour, il ramène une ou deux fleurs, un caillou, une pomme de pin, une bonne odeur de prairie.
Quand il va à la mer, avec maman, son frère et sa sœur, il ramène toujours quelques coquillages, un peu de sable et le bruit des vagues dans un buccin, qu’il cache sous le cahier de poésies.
Il est allé chez la nouvelle copine de Papa, qui a trois enfants sympathiques avec qui elle s’entend bien… Il discute même de temps en temps avec leurs cartables.
Il a même pris le train une fois, dans le coffre à bagages au-dessus de Selma, mais elle lui avait mis une étiquette : "Top Secret. Don’t touch."
À l’école, parfois, Selma s’ennuie. Le maître parle, les pages du cahier restent blanches, et ses pensées dansent ailleurs.
Alors, elle se tourne doucement, ouvre une fermeture, et fouille dans son cartable. Elle y retrouve une pierre qu’elle a ramassée en montagne, le sable doux entre ses doigts, le rire de Mamie, la voix de Papa qui chantonne en voiture, ou le dessin qu’elle a fait avec sa grande sœur à la plage.
Elle chuchote :
— Tu te souviens ? C’était bien, hein ?
Le cartable ne répond pas. Mais il semble sourire.
Les lundis matin, quand Selma arrive à l’école, Sacavie vole vers ses confrères et consœurs et entame le compte-rendu de son week-end. Les autres cartables sont étonnés, certains même sont jaloux, de la relation particulière entre Selma et lui. Il est le seul à partir en voyage avec sa maîtresse. Les autres passent les jours de vacances au pied du bureau, ou dans le vestibule, comme des chiens de garde sans mission, espérant que quelqu’un les attrape à nouveau par la poignée, attendant qu’on se souvienne d’eux... au moins pour les devoirs.
Un matin, pendant les temps d’accueil, Sacavie fait la connaissance d’un nouveau cartable.
Il est rouge et jaune, un Pikachu en velours cousu sur le rabat. Mais une des bretelles est cassée et la fermeture grinçante.
Il s’appelle Sacagalères.
Son petit maître, Timothée, est souvent triste. Il baisse les yeux quand le maître parle trop vite. Il confond les lettres et oublie ses leçons. Ses idées vont de travers, mais parfois, quand on lui laisse le temps, elles brillent d’une lumière que les autres ne voient pas.
Sacavie, lui, a tout de suite compris. Enfin… Grâce à Selma qui un jour a glissé une lettre d’encouragements adressée à Timothée dans sa poche secrète.
Alors il chuchote à Sacagalères devant la classe:
— Tu sais, il n’a pas besoin de tout retenir. Juste d’apprendre à faire confiance à sa manière de penser. Il a le droit d’apprendre autrement. Et de penser en zigzags.
Il lui glisse des astuces : une chanson accrochée à chaque table de multiplications, une image pour se souvenir d’un accord, une histoire à inventer pour mieux comprendre.
Depuis, Sacagalères est un peu moins bancal. Et Timothée, parfois, lève les yeux. Il sourit même.
Maintenant, Sacavie partage ses souvenirs d’aventures avec Sacagalères. Il partage même les grains de sable récupérés sur la plage, des odeurs de prairies, et des dessins de Selma pour égayer le quotidien de Timothée.
Et parfois, quand Selma et Timothée se croisent dans la cour, ils se sourient.
Rien qu’un sourire.
Mais Sacavie, lui, sait que c’est le début d’une grande amitié.
Bonjour, j’imagine que vous vous souvenez de Sacavie, le cartable et ami de Selma.
Bien-sûr !
alors ne perdons pas de temps et écoutons l’histoire.
Les aventures de Sacavie, Épisode 2
La petite fille qui parlait trop
Aujourd’hui, je vais vous raconter sa deuxième aventure. Elle commence à l’entrée de Selma au CM1.
Vous savez toutes et tous que la rentrée des classes, c’est un jour très spécial ! Les enfants y retrouvent leurs camarades, leurs amis, tous les élèves sont beaux et belles : vêtements neufs, cheveux coiffés avec du gel, cartable propre !
Ah ça, Sacavie, qui aimait garder des secrets dans ses poches n’a pas été très content. Il a eu droit à DEUX lavages ! L’un par le père de Selma, l’autre par la mère. Vous pouvez m’en croire : il ne lui restait plus un grain de sable, plus un bouton de coquelicot, plus un caillou brillant, ni de bout de lavande qui sentait si bon. Vide ! Propre, comme disent les adultes. Mais Sacavie, lui, se sentait nu ! Il ne pourrait plus offrir un peu de consolation quand Selma en aurait besoin.
Enfin… Presque plus…
Il lui restait, dans sa poche secrète, la photo du dessin qu’elle avait offert à ses grands-parents : Papi et mamie devant le grand 4x4 bleu pailleté, avec Selma qui leur tient la main devant les beaux sommets alpins. Et aussi… Mais ça, je vous le dirai plus tard.
Donc, ce matin-là, Selma avait retrouvé Timothée et Saca…
« Selma, Sacavie, je vous présente Sacabonheurs. »
Selma et Sacavie n’en revenaient pas : c’était pourtant bien Sacagalère : Jaune et rouge, avec Pikachu cousu sur le rabat. Alors, thimotée a ajouté :
« Je ne pouvais plus l’appeler Sacagalères ! On n’a plus de galères maintenant ! »
Quand la sonnerie a retenti et que les maîtres et maîtresses ont fait l’appel, Selma et Thimothée ont eu un coup au cœur : ils n’étaient plus dans la même classe. Mais bon, ils n’auraient que plus de plaisir à jouer ensemble à la récréation.
Et voilà ! Nouvelle année, nouvelle classe, nouvelle maîtresse et nouvelle camarade.
En effet, une petite fille rieuse s’était assise à sa table. Elle était mignonne cette fille : Cheveux au carré, bruns, des yeux rieurs, un petit nez retroussé et un corps si fin sous son T-shirt trop grand qu’on aurait dit une crevette… une crevette en jean.
« Salut, moi c’est Claire, mais tu peux m’appeler “Crevette”. Mes amis m’appellent comme ça.
Et toi, comment tu t’appelles ? Il est beau, ton cartable ! Tu as quel âge ?
Moi, j’ai huit ans. »
Selma était déroutée : tant d’informations et de questions en si peu de temps. Elle ne savait quoi répondre. Mais la petite a ajouté sans attendre de réponse.
« J’ai sauté une classe parce que je m’ennuyais l’an dernier : je savais toutes les réponses, je faisais mes exercices très vite et après je m’ennuyais. Et toi ? »
-Ben… Je …
Mais à ce moment-là, la maîtresse a demandé le silence pour commencer les cours. Elle a donné un cahier et un stylo à chacun et a demandé d’écrire son portrait, de décrire ce qu’on aimait faire, voir, écouter…
Alors, Selma a commencé à écrire. Elle a raconté son voyage avec ses grands-parents, son séjour à la mer avec sa maman, elle a raconté la mer et la montagne, les fleurs, les étoiles de mer et les parfums.
Elle était à peine à la moitié de ce qu’elle voulait écrire que Crevette avait déjà rempli deux pages, dans une écriture assez illisible. Contente d’avoir fini son texte, Claire crevette s’est remise à parler à Selma.
« Alors, t’as fait quoi pendant tes vacances ? »
Selma, qui voulait finir d’écrire sans être gênée, a déchiré la page de son cahier, sans un mot, et l’a tendue à Claire.
« T’as qu’à lire, tu sauras tout. » a-t-elle chuchoté gentiment.
Et elle a continué d’écrire sur la page suivante de son cahier.
Selma pensait pouvoir être tranquille pour continuer, mais claire s’est mise à lire à voix haute. Enfin ce n’était pas si fort que ça, mais ça suffisait pour empêcher ses voisins de se concentrer.
Alors, Selma, comme à son habitude, a plongé la main dans son cartable pour caresser un peu son caillou brillant. Mais il n’était plus là. Sacavie était désolé pour elle. Il savait que sans son aide, elle ne pourrait pas finir d’écrire. Alors, il s’est gonflé d’air, s’est contorsionné pour dégager le deuxième secret de sa poche secrète.
La main de Selma s’est posée sur un petit carnet qu’elle a sorti en souriant. Au passage, elle a posé une gentille caresse sur son sac en le refermant.
C’était le carnet secret que mamie lui avait donné.
« Parfait, mon petit cartable, a-t-elle chuchoté, tu sais toujours ce qu’il me faut. »
Discrètement, elle a présenté son carnet à Claire et lui a murmuré :
« Si tu me laisses travailler sans parler, je te passe mon carnet de codes secrets. C’est ma grand-mère qui m’écrit des messages codés pour m’aider quand je ne me sens pas bien. Tu n’as qu’à décoder un ou deux messages. »
-Mais je fais comment pour décoder ?
-Eh ben cherche ! Tu es intelligente, non ?
Claire ne s’est pas fait prier : le jeu l’a tout de suite passionnée. Et on ne l’a plu entendue jusqu’à la récréation.
Plus tard, dans la cour, elle était fière de transmettre les messages à Selma en montrant ce qu’elle avait gribouillé sur son cahier de brouillons :
« Le premier message, c’est : je t’aime ma puce.
Le deuxième c’est : travaille bien…
Selma s’est mise à rire :
-Elle est rigolote, mamie ! Laisse-moi deviner le dernier message : « Tu es une super petite fille. » C’est ça ?
-Comment le sais-tu ?
-Oh, c’est pas compliqué : elle me dit toujours la même chose.
-Elle est sympa ta Grand-Mère.
-Si tu veux, je lui demanderai de te faire des messages secrets à toi aussi. Elle adore jouer. »
Et c’est ainsi que pendant quelque temps, Claire et Selma ont pu travailler ensemble : l’une à côté de l’autre, sans soucis : l’une pouvait travailler tandis que l’autre ne s’ennuyait plus.
Et dans la cour de récré, c’était la fête entre Selma, Claire et Timothée.